Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avoir à augmenter les passions, c’est-à-dire à donner aux hommes plus de passions que la nature ne leur en a donné, ou des passions plus grandes qu’eux ; secondement, quant aux attributions ; car il peut être utile de dresser les passions à conserver, dans leurs opérations, leurs œuvres et leurs moindres mouvements, quelque droiture, quelque ordre, quelque bienséance, quelque beauté ; mais attribuer un pareil soin à la morale, c’est tout confondre. La morale n’est faite que pour réprimer et contenir ; elle est règle, règle immobile et immuable, et par cela même elle est barrière, elle est frein, et non aiguillon.

Nos haines et nos amours, nos colères et notre douceur, notre force et notre faiblesse, notre paresse et notre activité, la morale a tout cela à diriger.

Il y a des gens qui n’ont de la morale qu’en pièce ; c’est une étoffe dont ils ne se font jamais d’habit.

La morale est le pain des âmes ; il faut la