Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/32

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M. Joubert n’était pas à ce point dégagée. L’iutérèt de ses amis était pour lui l’objet d’une préoccupation constante. Ce n’était pas assez, à son gré, que M. de Fontanes fit bien les vers et jugeât bien des livres ; il s’inquiétait du bonheur de l’homme autant que de la gloire de l’écrivain. Ainsi que le rappelle cette strophe amicale que je citais en commençant, la sérénité de son âme tempérait ce qu’avait d’un peu brusque et mobile l’humeur du poete. Il savait des mots qui rendaient ses douleurs plus courtes, ses joies plus durables, et bientôt l’occasion allait lui être donnée d’exercer sur son avenir une influence décisive.

Pendant l’été de 1788, un de ses parents, officier de cavalerie retiré du service, l’avait invité à venir passer quelque temps à Villeneuve-le-Roi, petite ville de la Bourgogne assise sur les bords de l’Yonne, et traversée par la route de Paris à Lyon. Ce voyage, accepté avec empressement, décida du sort des deux amis. C’étaitàYilleneuve, en effet, que M. Joubert devait se marier quelques années plus tard ; ce fut là qu’avant de songer à lui-même, son amitié ingénieuse sut ménager à M. de Fontanes les avantages d’une alliance honorable.

Deux dames de Lyon, madame deC*** et sa (ille, voyageant à petites journées avec M. le baron de J***, vieux parent qui les accompagnait à Paris, avaient été forcées de s’arrêter quelques jours à Villeneuve. Le hasard fournit à M. Joubert l’occasion de les y voir. On abrège volontiers les préliminaires, dans ces rencontres sur un terrain neutre, et la coniiance, si quelque sympathie la provoque, s’établit d’autant plus vite qu’on a moins de temps à perdre. Avec M. Joubert, la coniiance, c’c