Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/33

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tait presque l’intimité. Charmé de la bonté de la mere et des grâces de la fille, instruit d’ailleurs de leur état dans le monde, il juge qu’il y a là pour M. de Fontanes un excellent parti, et prend la résolution de pousser hardiment dans cette voie. L’absence de toutes relations entre son ami et la famille au sein de laquelle il prétend l’introduire, la disproportion des fortunes, l’esprit trèspositif du baron de J***, dont le sort de la jeune personne dépend : rien ne l’arrête. Après avoir, à la faveur d’une correspondance adroitement préparée, ouvert à M. de Fontanes l’entrée de la maison, il fait habilement valoir la distinction de sa naissance, l’éclat de son talent, les précieuses qualités de son caractère. Si, dans le cours des négociations, la courtoisie du prétendant vient à languir, il l’excite et la réveille ; si l’on se plaint de sa froideur, il l’excuse jusqu’à la faire aimer ; et quand il ne reste plus à combattre que les calculs du vieux parent, qui, de Lyon où il avait ramené ses compagnes de voyage, faisait tête à toutes les tentatives, les lettres du négociateur deviennent si pressantes que la résistance chancelle et perd chaque jour du terrain. « Platon », disait plus tard M. de Fontanes, lorsque cette correspondance lui fut connue, « IMaton, écrivant pour « marier son disciple, n’aurait pu tenir un langage plus « persuasif et plus beau. » Tant d’eflbrts ne pouvaient demeurer stériles. M. de Fontanes leur dut bientôt l’heureuse indépendance qui, en assurant le repos et la dignité de sa vie, devait permettre à son talent de se développer sans s’aigrir, et préserver sa grandeur à venir des éblouissements que la fortune apporte trop souvont avec elle.