Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/42

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inoffensive, elles dussent être aisément oubliées ; mais la délation, abjecte et vigilante esclave de la violence, eut bientôt découvert leur retraite. Elles furent dénoncées au Comité de sûreté générale dont les pourvoyeurs ne tardèrent pas a se présentera Passy. Ils arrêtèrent tous les hôtes du château, n’épargnant que quelques enfants en bas-âge, et une jeune femme qui, malgré ses prières, ne put obtenir de partager le sort de ses proches. C’était madame de Beaumont, fille deM. de Montmorin. Elle était depuis longtemps souffrante ; l’abattement, la pâleur empreinte sur son visage semblaient présager une fin prochaine, et les envoyés du Comité la repoussèrent comme une proie trop chétivc pour être offerte à leurs maîtres. Bien que M. Joubert ne la connût point et n’en fût pas connu, profondément touché de son isolement et de ses douleurs, il courut lui offrir quelques consolations. Ce fut devant la porte d’une chaumière, où de pauvres paysans l’avaient recueillie, après le désastre du château, qu’eut lieu leur première entrevue, origine d’une intimité que la mort seule a pu rompre.

Madame de Beaumont, après avoir subi fort jeune une de ces unions qui gâtent toute une vie, avait cherché quel ques dédommagements dans les lettres ; non pas qu’elle eût songé à s’y faire un nom ; elle regardait, au contraire, ces deux vers de Lebrun :

« Voulez-vous ressembler aux Muses ? « Inspire ?,, mais n’écrivez pas »,


comme un beau conseil et une belle leçon donnés à tout son sexe ; mais douée d’un goût exquis et d’une ad