Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/439

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Le jugement littéraire de nos pères était plus timide et plus tardif que le nôtre ; mais, nourri de graves maximes, leur sens moral était plus tôt formé. Ils ne savaient bien juger ni d’un air, ni d’un édifice, ni d’un tableau ; mais ils savaient ce qu’il fallait faire. On parle aujourd’hui : on agissait alors ; on s’entretient des arts : alors on s’occupait des mœurs.

Nous n’avons plus de bonhomie dans la pensée.

Nos pères jugeaient des livres par leur goût, par leur conscience et leur raison : nous en jugeons par les émotions qu’ils nous causent.

Ce livre peut-il nuire ou peut-il servir ? Est-il propre à perfectionner les esprits, ou à les corrompre ? Fera-t-il du bien ou du mal ? Grandes questions que se faisaient nos devanciers ! Nous demandons : fera-t-il plaisir ? Il fut un temps où le monde agissait sur les