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Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/58

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naïfs, lui inspiraient naturellement la curiosité bienveil" lante qu’il a si bien décrite en parlant de la bonhomie, « cette enfance conservée, affermie et développée, qui « ne refuse son intérêt à rien de ce qui occupe l’attention, « et son attention à rien de ce qui est innocent. > Il était ingénieux à entretenir autour du foyer une joie douce, intime, sans éclats, ou, pour parler encore son langage, « un « perpétuel enchantement. » Même sa sollicitude à cet égard ne se bornait pas aux membres de sa famille. Il aimait à n’être entouré que de visages, contents ; aussi, tout en conservant la dignité du patriarche, n’avait-il pas laissé s’élever chez lui ce mur de glace que des mœurs plus gourmées placent entre le serviteur et le maître. Il entendait la maison à la manière, antique, ainsi que son illustre ami semblait l’entendre lui-même, lorsque dans cette lettre, deux fois citée, et que je n’épuiserai pas, il ajoutait :

« Je me suis trouvé engagé dans les monticules du « Morvan, partie de jour et partie de nuit. Les oiseaux « chantaient de tous côtés, et j’ai entendu à la fois les « trois passagers du printemps, le coucou, la caille et le « rossignol. Un petitbout du croissant de la lune était dans « le ciel, tout justement pour m’empêcher de mentir ; car « je sens que si la lune n’avait pas été là, je l’aurais toujours mise dans ma lettre, c’eût été à vous de me convaincre de fausseté l’almanach à la main. Tandis que « je faisais un roman, Auguste dormait sur mon épaule. « Pauvre jeune homme ! 11 va commencer la vie sous les « auspices d’uu maître dont les premiers jours n’ont été « protégés par personne ; nul ne s’est chargé de me faire « voyager ; mais je ne suis pas Auguste, et tout le monde