Page:Joubert - Pensées 1850 t1.djvu/88

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penser par la longueur du temps l’inhabileté de l’ouvrier ; mais je serais payé deux fois si l’on m’en savait quelque gré. N’est-ce point assez d’avoir profité le premier du bien que M. Joubert voulait faire, lorsque, plus ambitieux d’utilité que de gloire, il s’écriait : « Je ne suis plus qu’un tronc retentissant, mais quiconque s’assied à mon ombre et m’entend, devient plus sage » ? Si la longue halte que je viens de faire sous cet abri protecteur a laissé pénétrer plus de clartés dans mon esprit, plus de bonne volonté dans mon âme, plus de repos dans ma vie, qu’ai-je à demander encore à la fortune ?… Il ne me reste qu’à contempler en silence les âmes privilégiées qui, sachant le comprendre à leur tour, s’élèveront avec lui sur les hauteurs où la voix des passions expire, où tous les nuages se dissipent, et tous les horizons s’étendent.

Paul RAYNAL.