Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/147

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CLXXXV.


Le médiocre est l’excellent pour les médiocres.

CLXXXVI.


« Ton sort est d’admirer, et non pas de savoir. » Un pareil sort est un bonheur plus grand encore que celui de l’homme qui peut, à la fois, et savoir, et admirer. Le savoir qui ôte l’admiration est un mauvais savoir : par lui la mémoire se substitue à la vue, et tout est interverti. Un homme devenu tellement anatomiste qu’il a cessé d’être homme, ne voit, dans la plus noble et la plus touchante démarche, qu’un jeu de muscles, comme un facteur d’orgues qui n’entendrait, dans la plus belle musique, que les petits bruits du clavier.

CLXXXVII.


Naturellement, l’esprit s’abstient de juger ce qu’il ne connaît pas. C’est la vanité qui le force à prononcer, quand il voudrait se taire.

CLXXXVIII.


Les esprits faibles demandent si le conte est vrai ; les esprits sains examinent s’il est moral, s’il est naïf, s’il se fait croire.