Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/199

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

éblouit ; c’est la mobilité de l’esprit qu’il flatte, et non le goût.

Voltaire entre souvent dans la poésie, mais il en sort aussitôt ; cet esprit impatient et remuant ne saurait s’y fixer, même pour un instant.

Ses vers passent devant l’attention rapidement, et ne peuvent s’y arrêter, par l’impulsion de vitesse que l’esprit du poëte leur imprima, en les jetant sur le papier.

Je vois bien qu’un Rousseau, j’entends un Rousseau corrigé, serait aujourd’hui fort utile, et serait même nécessaire ; mais en aucun temps un Voltaire n’est bon à rien.

Voltaire a introduit et mis à la mode un tel luxe, dans les ouvrages de l’esprit, qu’on ne peut plus offrir les mets ordinaires que dans des plats d’or ou d’argent. Tant d’attention à plaire à son lecteur, annonce plus de vanité que de vertu, plus d’envie de séduire que de servir, plus d’ambition que d’autorité, plus d’art que de nature, et tous ces