Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/225

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ils n’y ont point excellé. Dans leurs pastorales, il n’y a de pastoral que les mots. Leurs bergers sont plus grimaciers que ceux de Fontenelle ; ils minaudent la vertu, l’innocence et les mœurs champêtres ; ils affectent la simplicité, bien plus que Fontenelle n’affectait la finesse et la galanterie ; ils parodient l’âge d’or.

Je suis effrayé de dire, mais très-fondé à assurer, que jamais homme n’eut un esprit moins naturel et moins naïf que Gessner. Ses ouvrages sont de la mauvaise poésie, fardée avec de la morale. Il n’a de naturel ni dans ses poëmes, ni dans ses lettres à son fils ; et malgré sa réputation de bonhomie, et sa physionomie un peu rustique, je suis sûr que, même dans sa conversation familière et domestique, il y avait de l’affectation, l’affectation de cette bonhomie qu’on lui attribue à un degré supérieur.

C’était un suisse, un paysan, un allemand précieux, un petit maître d’Arcadie.

Cervantes a, dans son livre, une bonhomie bourgeoise et familière, à laquelle l’élégance de Florian est antipathique. En traduisant Don Quichotte, Florian a changé le mouvement de l’air, la clef de la musique de l’auteur original.