Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/224

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grâce ; mais il ne se montre insinuant que parce qu’il est énervé.

La sophistique littéraire est l’art de farder les pensées par des mots. Les mots fardent les pensées, quand ils leur donnent de l’éclat, sans y ajouter de la beauté. Il y a un lustre nécessaire à un bon style, qui n’est pas précisément du fard ; il n’est que de la propreté.

Le style a quelquefois un éclat semblable à celui des métaux. Ceux qui l’emploient ne fardent pas, à proprement parler, mais ils dorent ce qu’ils disent. On croirait qu’ils écrivent avec une encre plus luisante, ou qu’ils ont jeté, sur leur encre encore fraîche, de la poudre de diamants ou de la poussière d’ailes de papillons.

Tout cela ne va ni à l’âme ni au goût, mais s’arrête aux yeux de l’esprit, qui, d’abord ébloui, en est insensiblement fatigué. Esménard offre un exemple perpétuel de cette espèce d’artifice.

On dit que les allemands ont excellé dans le genre pastoral : cela n’est pas vrai. Ils s’y sont appliqués, l’ont affecté, l’ont contrefait ; mais