Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/252

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QM désarqonné, je me mets dans mon écuric, me couehe sur ma litiere, et vis des mois entiers en béte , sans en étre plus délassé. Vous voyez que mon existence ne res- semble pas tout A fait A la béatitude et aux ravissements oin vous me supposez plongé. J’en ai quelquefois cc- pendant , ct si mes pensées s'inscrivaient toutes seules sur les arbres que je rencontre , A proportion qu’elles se forment , vous trouveriez , en venant les décbilfrer dans ce pays , aprés ma mort , que je vécus , par-ci par-lA, plus Platon que Platon lui··méme , Platone platonior. Je trouve que cela méme démontrc que je me sépare du monde , et que je deviens pur esprit. En tout cas , si je tiens trop peu A la vie par ccs liens gros et solides , la santé et les appétits , dont je fais un eas iniini , quoi-` que assez rigide en morale , jusque A mon dernier mo- ment, je tiendrai A tous ceux que j’aime , par le désir de leur bonheur, qui ne pourra s’éteindre en moi qu'avee i la pensée et le soufile. Comptez-y bien pour votre part. Tout ceci au reste est mon secret. Ne m’en parlez point ' dans vos lettres. Je veux épargner A ceux qui m’ai- 1 ment `autour de moi, des peurs qui seraient un grand mal. Il ne faut tout dire qu’aux hommes, lorsque l’on parle de ses maux. · Je vous ai envoyé quatre douzaines de petits pains; I c’est , A mon grand regret, tout ce que j’ai pu. Mon in- tention , au surplus , est d’empéel1er, autant que mcs i forces peuvent s’étendre , que vous n’en fassiez mau- I vais usage , et je vous defends A vous-méme , par toute . l’autorité que votre complaisanoe peut me donner sur _ vous , d’en employer plus d’un ou deux , en maniere ` d’essai , A votre usage personnel. Avec la capaeité d’es- tomac dont mon frére m'a assuré que vous étiez tou- I Digiiizeu by Gccgle i