Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/251

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l I 243 été cruellement trompés. lls nous avaient donné avec elle une espece de liaison et de société qui a fort aug- menté nos regrets. Votre femme et vous , vous étes jeunes ct bien por- tants. Celui qui console, le temps, ne vous manquera pas. Employez-le promptement A réparer le vide que cette af- freuse petite vérole a si tot fait dans votre famille. Ces étres d’un jour ne doivent pas étre pleurés longuement comme des hommes; mais les larmes qu'ils font couler , sont ameres. Je le sens , quand je songe que votre mal- heur peut A chaque instant devenir lc mien, et je vous re- mercie d’y avoir pensé comme moi. Je ne doute point qu’en pareil cas , vous ne fussiez prét A partager mes 'sentiments , comme je partage les votres. Les conso- lations sont un secours que l’on se préte, et dont tot ou tard chaque homme a besoin A son tour. Je m’a- dresserai A vous avec confiance , quand le jour de ce besoin viendra. Je vous écris bien rarement. C’est que vos diables de lettres me fournissent toujours A traiter des matieres qui excitent dans mon esprit une si grande activité, que je suis las et tout reoru de la fatigue de penser, quand il est temps de vous répondre. Je prends le parti de me taire et de vous oublier tout net, pour reprendre un peu de vigueur. Ma santé n’en a_ point du tout. J’ai le cceur, le pou- mon , le foie et tous les organes de la vie fort sains; je vis avec une régularité et une sagesse dont l’inuti— lité m’ennuie excessivement; je ne perds rien , et rien ne me répare. Mon esprit me maltrise assez souvent, A la vérité, et la faiblesse de mon corps le rend tout A fait intraitable; mais souvent aussi, aprés l’avoir Digiiized by Gccgle