Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

XVI. _

Sens, 26 juin 1797.

A madame de Pange , à Paris.

Je ne suis pas digne de vous remereier, Madame; j’ai une extinction d’esprit et de voix.

Je n’en suis pas moins pénétré de reconnaissance pour tous les envois dont vous avez bien voulu m’ho- norer. Ils m’ont été remis un pen tard par votre page a cheveux gris. Il ne m’a apporté que le W iloréal votre lettre du 20 germinal. Je l’accuse pour m’excuser. Sans cette triste nécessité , son age, et la candeur de sa barbe, auraient fait expirer ma plainte dans le silence du respect.

J’avais eu l’honneur de vous écrire , le jour de votre départ , en vous renvoyant le Don Quichotte espagnol. Un page de mon choix , et qu’on prendrait a sa mine pour l’arriere-petit-tils du votre , partit d’ici a sept heures du matin , pour revenir, a midi, m’assurer qu’il était arrivé trop tard. Je m’imaginai qu’il s’était amusé a jouer a la fossette tout le long du chemin. On ne sait plus a qui se fier. Tout Ie monde est trop jeune on trop vieux, et je vois bien que les vrais milieux, meme en messagerie, sont aussi difficiles a reconnaitre qu’a garder.

Je suis en conscience obligé de démentir le docteur, ce qui me fache , et je suis encore plus faché qu’il se trompe. Il a beau me voir éteint , gisant , maigre, muet , et incapable de souffrir le moindre travail et meme le moindre plaisir, sans en étre épuisé , il me croit en fort bon état. Je ne sais comment ses `yeux se sont fascinés; mais, depuis qu’il n’a plus de nouveau remede a m’ordonner ,