Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/388

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380 J’aurais eu l’honneur de vous écrire depuis longtemps, Madame, si je n’avais eu les mains liées par un rbuma- tisme et par des serments. Le rbumatisme venait du ciel, et les serments m’avaient été extorqués par mon frere qui abuse de ma simplicité. Il avait allégué le droit des gens que vous aviez, di- sait-il, peu ménagé dans sa personne, en le soupconnant de vous avoir quittée avec moins de regret que moi. ll avait invoqué les liens du sang, et employé la priére et l’éloquence pour me déterminer a lui céder ma place an- pres de vous. Il voulait vous parler tout seul, pour se faire mieux écouter. Je suis facile a émouvoir; il m’attendrit, et je jurai de ne vous écrire qu’apres lui. Combien je m’en suis repentil Heureusement , Madame , le pays ou nous sommes n’est pas a millc lieues du votre , et vous y relayez quel- quefois. Paris a l’honneur de vous compter, de loin en loin , au nombre de ses habitants , et nous y passons no- l tre vie. Entin vous avez des alfaires, des proces, et mon · frére est homme de robe. Pour vous revoir, il n’y a qu’a I vivre. A la vérité ce dernier point me paralt diflicilc , quand je suis immobile et assis; mais on dit qu’il n’est ’ rien dont une volonté ferme ne vienne a bout; or de quclle résolution ne sont pas capables des hommes qui ont pu vous fuir, quand vous vouliez les retenir aupres de vousl Nous vous reverrons donc , et je pourrai vous remercier de vive voix d’un accueil dont je n’ai pas su vous remer- cier par écrit. Ce sera désormais mon espérance. Daignez , en attendant, agréer les assurances du pro- fond respect avec lequel j’ose me dire , apres vous avoir vue un seul moment, Madame , votre , etc. _ Dagmzcu by Gccgle 1