Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/43

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un autre plaisir, la surprise de voir tout à coup des mots vulgaires devenus beaux, des mots usés rendus à leur fraîcheur première, des mots obscurs couverts de clartés.

L’élocution, dans l’éloquence, roule ses flots comme les fleuves. Mais, dans la poésie, il y a plus d’art : des jets, des cascades, des nappes, des jeux de mots de toute espèce y sont ménagés avec soin, et en augmentent le charme par leur variété.

Le caractère de la poésie est une clarté suprême.

Il faut que les vers soient de cristal ou diaphane ou coloré : diaphane, quand ils ne doivent nous donner que la vue de l’âme ou de sa substance ; coloré, quand ils ont à peindre les passions qui l’altèrent, ou les nuances dont l’esprit de l’homme se teint.

Il y a des vers qui, par leur caractère, semblent appartenir au règne minéral : ils ont de la ductilité et de l’éclat ; d’autres, au règne végétal : ils ont de la sève ; d’autres, enfin,