Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/52

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dans chaque langue, parce qu’on oppose ainsi l’antiquité à la mode, et que d’ailleurs, en trouvant, dans sa propre langue, cette pointe d’étrangeté qui pique et réveille le goût, on la parle mieux et avec plus de plaisir.

Quant aux inconvénients, ils sont nuls.

Des défauts vieillis et abolis ont perdu tout leur maléfice : on n’a plus rien à redouter de leur contagion.

On n’aime pas à trouver dans un livre les mots qu’on ne pourrait pas se permettre de dire, et qui détournent l’attention, non par leur beauté, mais par leur singularité. Mais on les tolère, on les aime même dans les vieux auteurs, parce qu’ils sont là un fait de l’histoire littéraire ; ils montrent la naissance du langage, tandis que, dans les modernes, ils n’en montrent que la dépravation.

Remplir un mot ancien d’un sens nouveau, dont l’usage ou la vétusté l’avait vidé, pour ainsi dire, ce n’est pas innover, c’est rajeunir.

On enrichit les langues en les fouillant. Il faut les traiter comme les champs : pour les rendre