Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/63

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flottants. C’est pour cela qu’ils conviennent mieux au style très-noble. Les mots espèce

conviennent au style concis, parce qu’ils pressent le sens, le serrent et s’y ajustent. C’est le justaucorps, le vêtement d’utilité. Les autres sont toges et manteaux, habits de décence, de dignité et de parade.

Que le mot n’étreigne pas trop la pensée ; qu’il soit pour elle un corps qui ne la serre pas. Rien de trop juste ! Grande règle pour la grâce, dans les ouvrages et dans les mœurs.

Nous bégayons longtemps nos pensées, avant d’en trouver le mot propre, comme les enfants bégaient longtemps leurs paroles, avant de pouvoir en prononcer toutes les lettres.

Les mots qui ont longtemps erré dans la pensée, semblent être mobiles encore et comme errants sur le papier. Ils s’en détachent, pour ainsi dire, dès qu’une vive attention les fixe, et, accoutumés qu’ils étaient à se promener dans la mémoire de l’auteur, ils s’élancent