Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/66

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ne les ont pas toujours en exercice, et éprouvent souvent que l’une agit sans l’autre.

Que de gens ont une plume et n’ont pas d’encre ! Combien d’autres ont une plume et de l’encre, mais n’ont pas de papier, c’est-à-dire, de matière où puisse s’exercer leur style ! Tenez votre esprit au-dessus de vos pensées, et vos pensées au-dessus de vos expressions.

Il y a des pensées qui n’ont pas besoin de corps, de forme, d’expression. Il suffit de les désigner vaguement et de les faire bruire : au premier mot, on les entend, on les voit.

Il est une classe d’idées tellement belles par elles-mêmes, que, quoique susceptibles d’être produites par la plupart des esprits, elles mettent de niveau, aux yeux du philosophe, et maintiennent au premier rang presque tous les esprits qui les ont. Il suffit qu’elles soient exprimées avec clarté, pour plaire, satisfaire et charmer. La grandeur, l’énergie, l’originalité