Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/73

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La logique du style exige une droiture de jugement et d’instinct supérieure à celle qui est nécessaire pour enchaîner avec perfection toutes les parties du système le plus vaste ; car le nombre des mots et de leurs combinaisons est infini, et un système, quelque grand qu’on le suppose, ne saurait embrasser cette multitude d’innombrables détails.

Ajoutez que les pensées offrent une certaine étendue, par conséquent une multitude de points, et qu’il suffit qu’elles se touchent par un point. Dans le style, au contraire, chaque chose est si déliée et si fine, qu’elle échappe, en quelque sorte, au contact. Et cependant il faut que ce contact soit parfait, car il ne peut être qu’entier ou nul. Il n’y a qu’un seul point par lequel, selon l’occurrence, un mot corresponde avec un autre mot. Il faut, pour être un grand écrivain, une perspicacité d’esprit, une finesse de tact plus grandes que pour être un grand philosophe.

L’art de grouper ses paroles et ses pensées exige que la pensée, la phrase et la période