Page:Joubert - Pensées 1850 t2.djvu/74

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s’encadrent de leurs propres formes, subsistent de leur propre masse, et se portent de leur propre poids. La Bruyère, disait Boileau, s’était épargné la peine des transitions.

Oui ; mais il s’en était donné une autre, celle des aggroupements. Pour la transition, un seul rapport suffit ; mais, pour l’agrégation, il en faut mille ; car il faut une convenance entière, naturelle, unique.

Il y a une sorte de netteté et de franchise de style qui tient à l’humeur et au tempérament, comme la franchise du caractère. On peut l’aimer, mais on ne doit pas l’exiger.

Voltaire l’avait ; les anciens ne l’avaient pas.

Ces grecs inimitables avaient toujours un style vrai, convenable, aimable ; mais ils n’avaient pas un style franc. Cette qualité est d’ailleurs incompatible avec d’autres qui sont essentielles à la beauté. Elle peut s’allier avec la grandeur, mais non avec la dignité. Il y a en elle quelque chose de courageux et de hardi, mais aussi quelque chose d’un peu brusque et d’un peu pétulant. Le seul Drancès,

dans Virgile, a le style franc ; et en cela il est moderne, il est français.