nous ayons à examiner, dégagée de toutes les questions annexes, est en somme celle-ci : Est-il bon, est-il désirable que tous les habitants d’un même pays parlent la même langue, et même ne parlent que cette langue ?
À cette question, franchement et nettement posée, je
crois qu’on ne peut faire qu’une réponse. Non que l’unité
de langue soit absolument indispensable à l’unité de la
patrie; je l’ai dit au début de cette conférence, et je le
maintiens ici: l’idée de patrie doit être puisée à une source
plus élevée qu’à la source linguistique ; elle dérive surtout
de l’union des cœurs et des volontés. Mais si l’unité de
langue n’est pas le tout de l’unité nationale, elle en est
pourtant une condition très importante. Il faut donc souhaiter que tous les Français parlent français. Mais le jour
où le Provençal sera oublié en Provence, et ce jour, encore
très éloigné, doit pourtant fatalement arriver, le jour où la
langue d’oc ne sera plus qu’une langue morte, étudiée avec
soin par les linguistes, et peut-être alors enseignée dans les
écoles, la gloire de Mistral, d’Aubanel et de Roumanille,
définitivement incorporée à la gloire de la patrie française,
n’aura à subir ni éclipse ni diminution. Leurs œuvres seront
toujours lues, commentées et admirées par les lettrés et les
savants. Est-que les grands poètes de l’antiquité sont moins
lus ou moins admirés parce que le grec et le latin ne sont
plus que des langues mortes ?