Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/25

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ou de V. Hugo…, ce n’est plus de la poésie, c’est un fragment de grammaire française, un recueil de sujets, d’attributs, de régimes directs ou indirects, de propositions indépendantes, subordonnées ou coordonnées.» Un poète doit-il souhaiter que ses vers soient ainsi estropiés ou écartelés dans les classes ? J’ai souvent entendu dire à des hommes, qui n’étaient pourtant pas dépourvus de sens littéraire, qu’ils ne pouvaient plus prendre plaisir à la lecture des livres classiques, précisément parce que ces livres leur rappelaient trop ou la classe ou le lycée ou les tics de tel ou tel professeur. C’est un sentiment très humain, et il faudrait, pour s’en étonner, ignorer l’une des lois fontamentales de la psychologie, la loi de l’association des idées. Le sentiment esthétique s’altère très-facilement au contact des autres sentiments, et c’est une des raisons — entre mille — qui doivent faire proscrire les pensums par une saine pédagogie. Longtemps même après sa sortie du lycée, l’élève garde une rancune tenace à l’auteur, même au doux Virgile, même au joyeux Horace, qui a servi de texte à ses pensums et de prétexte à ses tourments d’écolier. Vous connaissez les jolis vers de Victor Hugo dans les Contemplations :


                               « …… Mon sang bout,
Rien qu’à songer au temps, où, rêveuse bourrique.
Grand diable de seize ans, j’étais en rhétorique.
Que d’ennuis, de fureurs, de bêtises — gredins ! —
Que de froids châtiments et que de chocs soudains !
Dimanche en retenue et cinq cents vers d’Horace !
Je regardais le monstre aux ongles noirs de crasse.
Et je balbutias : Monsieur !… Pas de raisons !
Vingt fois l’ode à Plancus et l’épître aux Pisons.»


Il eût été cruel que Victor Hugo eût servi à son tour d’instrument de torture aux écoliers. Heureusement les pensums sont à peu près partout supprimés. Nos auteurs classiques, poètes, orateurs, historiens, ne doivent inspirer que des