Si j’en avais le loisir, j’aimerais à vous montrer, Messieurs, comment cette lutte de l’ombre et de la lumière, qui traverse toute l’œuvre de V. Hugo, donne lieu aux mythes les plus hardis et les plus beaux : Une histoire pittoresque, imaginée à plaisir, comme le Petit roi de Galice, par exemple, symbolise non-seulement la lutte du Bien et du Mal, mais encore l’éternel combat du ciel et des nuages, de St Michel et du dragon.
« Tous d’un côté, de l’autre un seul; tragique duel !
Lutte énorme! combat de l’Hydre avec Michel !
Qui pourrait dire, au fond des cieux pleins de huées.
Ce que fait le tonnerre au milieu des nuées.
Et ce que fait Roland entouré d’ennemis. »
J’aimerais aussi à vous démontrer que grâce à ce pouvoir
merveilleux de l’Imagination, notre poète personnifiant
l’abstrait, animant l’inanimé, nommant l’innommable, a fait
entrer dans la domaine de la poésie les idées morales les
plus élevées et même les plus hautes idées philosophiques.
Ces remarques nous amènent tout naturellement à examiner
quel jugement il convient de porter sur Victor Hugo, considéré comme penseur. Dans la première partie de cette
étude, nous avons analysé les facultés sensorielles chez
V. Hugo ; dans la seconde, la Mémoire et l’Imagination ; il
nous reste à dire un mot des facultés supérieures de l’Intelligence et de la Pensée abstraite.
V. Hugo avait des prétentions au titre de penseur : on ne l’ignore pas, et on le lui a assez souvent reproché. Qu’y a-t-il de fondé ou dans les prétentions ou dans les critiques ?
Notre réponse dépendra d’abord de la définition que l’on donne de ce mot. Si l’on entend par penseur un savant, mathématicien, érudit ou philosophe, qui pense d’une manière
p. 34 coquille : « l’ombre » en place de « Tombre »