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Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/49

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Et croître on ne sait quelle inexprimable aurore
Qui se mit à monter dans le haut firmament
Par degrés et sans hâte et formidablement.
Les herbes des lieux noirs que les vivants vénèrent
Et sous laquelles sont les tombeaux, frissonnèrent ;
Et soudain comme un spectre entre en une maison,
Apparut, par-dessus le farouche horizon.
Une flamme emplissant des millions de lieues,
Monstrueuse lueur des immensités bleues,
Splendide au fond du ciel brusquement éclairci,
Et l’astre effrayant dit aux hommes : Me voici. »


Il est impossible de décrire plus superbement les revanches inévitables de la vérité méconnue. Victor Hugo a essayé, dans un autre passage, de traiter le même sujet directement, sans métaphore, et ce n’est pas être injuste envers lui que de déclarer qu’il n’a pas égalé, cette fois, la beauté de cette page sublime.

C. Le Mythe. Faisons un pas de plus et du symbole passons au mythe.

Tous les critiques, mais principalement M. Ernest Dupuy et M. Ch. Renouvier, ont signalé ce caractère de la puissance créatrice de V. Hugo. V. Hugo est un créateur de mythes, comme un Arya primitif. Il pense comme cette race poétique qui a conçu les hymnes des Védas et formé la mythologie païenne. De là vient qu’il retrouve spontanément les mythes anciens, comme quand il compare la voûte stellaire à une effrayante queue

« De paon ouvrant ses yeux dans l’immensité bleue, »


et que sans effort, sans passer par la voie pénible de l’érudition, avant que le Professeur Max Mùller eût publié ses belles découvertes sur la mythologie comparée,, il a si admirablement compris la religion des Grecs. (Voir le Satyre et les sept Merveilles du Monde).