Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/58

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apparence. Elle interdit seulement les larges développements, les envolées audacieuses, mais quand on a l’haleine courte, cette interdiction est moins un inconvénient qu’un service rendu. En fait, cette contrainte, cette détermination rigoureuse des rimes, qu’impose le sonnet, par exemple, favorise l’invention. C’est comme une trame toute tendue, et sur laquelle l’ouvrier n’a plus qu’à dessiner ses arabesques, en suivant une sorte de méthode infaillible. Aussi tous les poètes de l’École Parnassienne raffolent-ils du sonnet. Le sonnet pittoresque, le sonnet sentencieux — plus rarement le sonnet spirituel, tel qu’on le pratiquait au XVIIe siècle, — toutes les variétés de sonnets sont représentées chez les Parnassiens. Au sonnet, il faut ajouter les sixains, les dizains, le pantoun, la sextine, la terza rima et même la ballade et la villanelle qu’on est allé exhumer chez nos poètes du XVIe siècle. La construction précise de ces petits poèmes facilite la découverte des rimes, comme la rime elle-même facilite la découverte des images et des idées.

J’aurais voulu, Messieurs, étudfer à ce sujet avec vous les lois de la versification française ; mais cette étude nous entraînerait trop loin, et je me contenterai de vous donner quelques brèves indications.

Hugo n’a pas réformé la système de versification classique, comme on le dit quelquefois, il l’a au contraire raffermi et développé.

Vous savez que le vers classique, l’alexandrin, se compose essentiellement de douze syllabes et qu’il est divisé, par la césure, en deux hémistiches. Chacun des hémistiches à son tour contient deux syllabes accentuées. Le vers se divise donc en quatre fragments.

« Je crains Dieu, | cher Abner, | et n’ai pas | d’autre crainte »
1 2 3 1 2   3 1 2 3 1   2 3

La césure est fixe, mais le temps fort dans chaque hémistiche est mobile.