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Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/59

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« Oui, | je viens dans son temple | adorer | l’Éternel. »
—-1--—1—-2——-3—-4——-5-1-2-3-—12*3
« Je viens | selon l’usa | ge anti | que et solennel. »
—-1—-2---1--2—-3,4**12—-**1**2--3---4

C’est le vers de Racine, et c’est aussi le vers de Hugo. Seulement Hugo, dans certains cas, a donné à son vers une sorte de coupe ternaire. Au lieu de diviser son vers en quatre fragments de trois syllabes, il l’a divisé en trois fragments de quatre, tout en gardant la césure, au moins pour l’œil, après le sixième pied.

« Elle est charman | te, elle est charman | te, elle est charman | te… »
« J’ai vu le jour, | j’ai vu la foi, | j’ai vu l’honneur . . | . »

Il a pu ainsi varier les rythmes, non seulement dans chaque vers, mais dans une suite de vers et dans une période poétique. Les rejets, les enjambements, que Boileau interdisait avec sévérité, étaient réintégrés dans la poésie française, dont la versification se rapproche ainsi, par certains côtés, de la prosodie latine. Mais pour que l’oreille ne fût pas déconcertée, pour qu’elle gardât toujours, dans cette variété de rythmes, le compte exact des syllabes et la notion précise du vers, il fallait qu’elle fût fortement frappée du retour constant de la rime. L’assonnance avait été depuis longtemps rejetée par les poètes français ; la rime ordinaire dont Corneille et Racine s’étaient contentés, devenait ici insuffisante. Il fallait la rime riche, la rime avec sa consonne d’appui. Et V. Hugo, admirablement servi par son instinct musical, avait à la fois fortifié la rime et varié le rythme, car ces deux éléments étaient solidaires l’un de l’autre (cf. V, Hugo par Em. Dupuy).

L’École Parnassienne a hérité de toutes les heureuses réformes accomplies par V. Hugo. Leconte de l’Isle, Coppée, Sully-Prud’homme usent assez fréquemment de la coupe ternaire.

« La Bête dit | sifflant de ra | ge. Par malheur . | . . »
« Jusqu’aux as | tres, jusqu’aux an | ges, jusques à Dieu . . »