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CINQUIÈME LEÇON.


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SULLY-PRUD’HOMME.


Sully-Prud’homme est un psychologue et un philosophe. Nul doute que s’il eût voulu se consacrer exclusivement aux travaux philosophiques, il ne fût parvenu aussi, dans ce domaine, je n’ose pas dire à la gloire — car le grand public décerne seul la gloire et les philosophes ne s’adressent pas à lui — mais à la notoriété et à la réputation, qui dans les pays de haute culture s’attache aux noms des érudits et des penseurs. Il serait sans doute aujourd’hui — pardonnez-moi ce petit jeu d’imagination — le collègue de M. Émile Boutroux à la Sorbonne et à l’Institut, section des sciences morales et politiques. Il aurait enrichi la collection Félix Alcan — c’est, en France, notre librairie philosophique par excellence — de plusieures volumes de philosophie et de métaphysique ; le public philosophique aurait trouvé dans cette lecture des plaisirs austères, et la connaissance de l’absolu n’aurait pas fait un pas de plus. Est-ce à dire que je regrette, pour ma part, l’usage que M. Sully-Prud’homme a fait de ses facultés d’analyse et d’imagination psychologique ? À Dieu ne plaise. Je suis trop l’ami des beaux vers par les sacrifier à la prose, et je donnerais volontiers plusieurs rayons de la bibliothèque de Félix Alcan, je ne dis pas pour l’œuvre entière de Sully-Prud’homme, mais pour un seul volume, que dis-je? pour une seule pièce, pour un sonnet.