Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/76

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inspiré la pièce intitulée les Écuries d’Augias, et qui est certainement la plus belle illustration qu’on ait jamais faite du fameux vers de Chénier:

Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques.

Mais ce n’est pas le seul service que la science rende à Sully-Prud’homme. Elle lui fournit encore des symboles. Et c’est là que je trouve la plus parfaite alliance de la science et de la poésie.

Sully-Prud’homme avait déjà trouvé ce filon poétique dans son premier recueil (v. l’Idéal, p. 44). Il l’exploite méthodiquement dans les deux suivants. Le sonnet intitulé Cri perdu est une des plus belles applications de cette méthode (v. p. 25). Veut-il exprimer dans ses Solitudes cette idée philosophique que les âmes, bien qu’en apparence rapprochées, sont séparées par des abîmes ? Il songe à la voie lactée (p. 128) où les étoiles semblent se confondre, bien qu’elles soient séparées par des milliards de lieues. Les Stalactites, Effet de nuit offrent des images analogues Mais le plus beau de ces symboles est certainement le poème intitulé le Zénith. Je suis presque tenté de le mettre en parallèle avec Plein ciel de V. Hugo.

L’optimisme relatif que la science et l’action semblaient avoir inspiré au poète n’a pas été durable. Le livre des Vaines Tendresses aboutit à une sorte de désespoir philosophique qui éclate surtout dans le Vœu (p. 108) et dans la pièce sur la Mort (p. 128). Le pessimisme de Sully-Prud’homme est moins bruyant que celui de Leconte de risle, mais il est plus intime, plus navrant, pour ainsi dire. Les accents du poète n’en sont pas moins virils. Écoutez: ce n’est plus un amoureux qui se lamente sur les infidélités de sa maîtresse, c’est un philosophe qiii constate, en termes précis, la banqueroute de la science et de la philosophie.

III. Troisième moment.

Le troisième moment de l’évolution poétique de Sully-