Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/78

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Ces alliances régulières
Fournissent au palais des pierres,
Et de plus fins matériaux
Aux éphémères édifices
Des plantes et des animaux.
Ah ! qu’en leurs multiples offices
Les principes unis entr’eux
Pour tant d’œuvres sont peu nombreux !


Autant mettre en vers la géométrie et l’algèbre. Je ne veux pas triompher trop facilement: la critique serait trop aisée, mais en revanche un art pareil me semble singulièrement difficile. Je crains même que la difficulté n’en soit le seul mérite.

Comment le poète a-t-il été amené à choisir de pareils sujets ? J’en trouve deux raisons principales, l’une qui tient à son tempérament, et qui résulte de son évolution intellectuelle, l’autre qui tient à la conception que se fait de la poésie l’École parnassienne tout entière. Je les indiquerai brièvement l’une et l’autre.

Chez Sully-Prud’homme, il y a deux natures, je ne dis pus juxtaposées, mais profondement fondues l’une dans l’autre: un tempérament de poète et une intelligence de philosophe. Le philosophe a grandi, évolué, grâce aux progrès de la réflexion et de l’étude, et a fini par dominer. Ce n’est pas seulement dans l’histoire des littératures, c’est aussi dans le développement des individus que l’intelligence réfléchie finit par supplanter la spontanéité poétique. De plus, Sully-Prud’homme avait exprimé les émotions que lui suggéraient les découvertes de la science et les travaux philosophiques. C’était son droit. Le poète est fait pour ressentir et pour exprimer des émotions, quelle que soit d’ailleurs la cause qui les suscite, que ses émotions soient provoquées par le spectacle du monde extérieur ou les aventures de la vie, comme chez la plupart des poètes, ou qu’elles soient