Page:Jouffret - De Hugo à Mistral, 1902.djvu/96

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comme Hugo, et qu’il la puise aux sources d’une érudition savamment contrôlée. Qu’on n’en doute pas : chacun de ces sonnets a coûté de longues recherches, de patientes études sur les textes originaux à l’élève de l’École des Chartes qui est en M. de Hérédia. On sent que l’œuvre d’art recouvre une science précise et bien informée, ou plutôt que le sonnet lui-même est comme la cristallisation de réflexions savantes et de recherches méticuleuses. Et je prévois le jour, qui n’est sans doute pas éloigné, où l’on sera obligé de publier les Trophées avec un commentaire perpétuel, non seulement pour expliquer les mots (mots techniques ou termes de blason), mais pour indiquer les sources du poète, pour noter les références, les textes, les faits dont ces œuvres d’art sont l’heureuse combinaison……

Qu’il me soit permis de terminer cette étude par une confession toute personnelle. Lorsque les Trophées ont paru, je me suis préoccupé de savoir si la latinité des poèmes consacrés à Rome était bien sincère, bien authentique, ou si par hasard, comme cela arrive quelquefois à de moins bons poètes, ce ne serait pas une latinité de contrebande, une latinité en toc. Et j’ai pour cela une pierre de touche infaillible, que j’ai appliquée à V. Hugo, en particulier, et qui m’a toujours exactement renseigné. Ce critérium, que je vous recommande, consiste à traduire en latin le fragment qu’on veut soumettre à l’expertise. Si le morceau ne se prête pas à la traduction, si l’on ne peut que difficilement le penser en latin, n’en doutez pas, il est d’une latinité contestable, douteuse, superficielle; si, au contraire, il suffît pour ainsi dire de substituer un mot latin au mot français pour obtenir des phrases latines excellentes, l’épreuve est faite, la restitution tentée par le poète est exacte. J’ai appliqué ma méthode au premier sonnet de la série Hortorutn deus, et puisque nous sommes ici entre professeurs, vous ne m’accuserez pas de pédantisme si je vous donne ma traduction latine.