Page:Jouin - Jean Gigoux, 1895.djvu/19

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tice à lui rendre, - il a peu parlé de ses propres œuvres ou de lui-même dans ses Causeries parues en 1885. Notre réserve ne doit pas être aussi complète. Il est bon que notre génération connaisse les faits saillants d’une noble existence d’artiste ; il est curieux de suivre depuis sa jeunesse ce studieux, ce. vaillant qui tenait le pinceau hier encore à l’âge de quatre-vingt-neuf ans. Les pages qui vont suivre seront donc à la fois le complément et la rectification des feuilles sans lien, sans suite, mises au jour par le peintre il y a dix ans. Il n’a pas voulu suivre le précepte : « Connais-toi toi- même. » Nous essayerons de le suppléer dans l’autobiographie qu’il était incapable d’écrire ou de dicter sans que son texte eût à subir de profondes retouches.


Jean Gigoux est né le 6 janvier 1806, à Besançon, dans l’atelier d’un maréchal-ferrant[1]. L’enfant grandit. Lorsqu’il put marcher et vivre dans la rue, avant qu’il eût atteint sa huitième année, il fut victime d’un grave accident. Surpris entre une muraille et une lourde charrette qui était en marche, la roue l’atteignit à la jambe et le blessa cruellement. L’enfant dut garder le lit, mais la blessure empira et le médecin prit conseil, ne sachant s’il. ne devait pas amputer le membre malade.

Ce fut alors que la mère de Gigoux, comprenant tout ce qu’il y aurait d’irrémédiable et d’éternellement douloureux pour son fils dans la mutilation que l’on méditait, résolut de le sauver elle-même. Dès cet instant elle fut à la fois le médecin et la garde-malade de l’enfant. Ce fut elle qui inventa les remèdes, qui les

  1. Voici l’acte de naissance déposé par l’artiste au secrétariat de l’École des Beaux-Arts, en 1828 « Extrait des registres des actes de l’état civil de la ville de Besançon, département du Doubs. - Du huit janvier mil huit cent six, à midy et quart, acte de naissance de Jean-François, né le six, à sept heures et quart du matin, fils de Claude-Etienne Gigout (sic), maréchal ferrant, âgé de trente-deux ans, né à Seveux, et de Françoise Lamarche, demeurant à Besançon, première section, mariés, présenté par le dit Claude-Étienne Gigout. Le sexe de l’enfant a été reconnu être masculin. En présence de Christophe Nenik, aubergiste, âgé de quarante-cinq ans, domicilié à Besançon, et de Jean-Marie Cheval, cocher du général, âgé de trente-quatre ans, domicilié a la dite ville, témoins requis, soussignés. Sur la requisition à nous faite par Cliude-Éticiine Gigout, père de l’enfant, et ont signé après lecture. Signé au registre Gigout, Nenik et Cheval. Constaté suivant la loi par nous Charles-Antoine Seguin, adjoint au maire de cette ville, faisant les fonctions d’officier public de l’état-civil. Signé au registre : Ch. Seguin. »