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LES DÉCORÉS

la quintessence la plus subtile et pousse l’émotion jusqu’à l’exacerbation en forçant les choses à parler, en arrachant leurs secrets aux pierres silencieuses, en dotant d’une âme une ville, un quartier, une maison, témoins ou complices d’un drame passionnel.

Certaines strophes du Voyage dans les yeux taraudent l’esprit d’une telle acuité psychologique qu’elles donnent la sensation d’une coupe vibrant sous un choc avec une violence suraiguë, faisant craindre le brisement du cristal dans un déchirement suprême.

C’est cette intime et mystérieuse harmonie qui résonna délicieusement dans la salle de la Comédie-Française quand on joua le Voile. Le bazar à treize de la critique s’effara devant cette manifestation d’un talent qui ne procède ni du moule vermoulu de Scribe, ni de l’observation brutale du naturalisme, ni du pessimisme corrosif de Becque, ni de la joyeuse gaudriole chère à M. Sarcey ; d’un talent original et subtil qui s’insurgeait contre