Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/100

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chés et ramenés vers les épaules, les jambes mêmes étaient ficelées, ce qui me permettait de faire, avec peine, des pas de trente centimètres.

Douze hommes furent commandés pour me conduire au Luxembourg ; le farouche Claude leur déclara qu’ils répondaient de moi sur leur tête. Là-dessus, mes braves gardes-du-corps m’entourèrent, ne me quittant pas de l’œil, et la main sur leur revolver, afin d’empêcher toute tentative de fuite ; la corde qui m’enlaçait aurait dû, cependant, les rassurer et j’avoue qu’il me paraissait absolument impossible de faire un mouvement du côté de la liberté.

Un de mes conducteurs s’empara, pour plus de sûreté, du bout de corde qui pendait sur ma poitrine, et dans cet équipage je parcourus la distance qui sépare le ministère des affaires étrangères du Luxembourg.

Je souffris atrocement pendant ce trajet, les ligatures s’étaient resserrées et j’avais les poignets meurtris par la corde trop fortement attachée ; je m’en plaignis au chef de l’escorte, qui, pour toute réponse, se contenta de resserrer ou plutôt essaya de resserrer encore les liens qui me faisaient si cruellement souffrir.

Au Luxembourg nous ne trouvâmes personne pour me recevoir, et ce fut à grand peine que le chef d’escorte put décider un gendarme à me jeter dans l’une des caves où étaient entassés de nombreux prisonniers.