Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/57

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tation me rendait de plus en plus incertain du succès de notre tentative.

Grantille, dont le sort était des plus misérables à Nouméa, me fit une réponse d’une admirable générosité : « Mais, me dit-il, de quoi vous chagrinez-vous ? Mon concours vous est absolument acquis sans condition. Comptez sur tous mes efforts pour l’enlèvement de nos amis et, si mon départ peut compromettre en quoi que ce soit la réussite de votre projet, il me sera facile, après vous avoir conduits à bord, de rentrer à Nouméa et d’y attendre une autre occasion. »

Je fus vivement ému d’un pareil désintéressement, témoigné avec une si grande simplicité.

Grantille consentait à favoriser notre fuite sans partager les bonheurs de la délivrance. Il se résignait à reprendre sa tâche si pénible, à affronter tous les risques d’une enquête qui pouvait découvrir sa complicité et la lui faire cruellement expier.

Dois-je dire que je rejetai absolument la proposition qu’il venait de me faire, et que je lui déclarai que nous ne consentirions jamais à le laisser entre les mains de nos geôliers ? Je dus insister pour qu’il consentît à partager avec nous les joies de la liberté reconquise.

Je suis heureux de pouvoir aujourd’hui rappeler un acte d’un si noble désintéressement.

L’heure du départ approchait. La traite Rochefort avait été escomptée, à la Banque de Nouvelle-Calédonie, sans éveiller aucun soupçon, et j’avais pu