Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/89

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Le lendemain matin, 28 mai, à 4 heures, un bataillon de ligne campait dans la rue du Chemin-Vert. Des perquisitions étaient opérées dans toutes les maisons. On entendait de tous côtés le bruit lugubre des feux de peloton ; chaque maison fournissait une ou plusieurs victimes ; les soldats ivres assassinaient sans ordre de leurs chefs ; ceux-ci leur avaient donné carte blanche et prenaient volontiers part à cette débauche du massacre.

De ma fenêtre, qui donnait sur l’un des côtés de la prison de la Roquette, je vis arriver une troupe de cent fédérés ; ils furent introduits dans la prison et, pendant une heure, j’entendis une fusillade régulière qui m’apprit le sort réservé aux prisonniers.

L’hôtel qui m’abritait fut fouillé à son tour. Arrivé au cinquième étage, un caporal suivi de deux soldats se fit ouvrir la porte de la chambre voisine de la mienne. Un homme d’une quarantaine d’années l’habitait. Tout à coup, j’entendis un grand bruit ; l’homme se débattait entre les mains des soldats, qui le précipitèrent dans l’escalier. Je me mis à la fenêtre, poussé par je ne sais quelle curiosité. Au-dessous de moi, dans une petite cour étroite, les trois assassins et leur victime venaient d’arriver. Le malheureux, évanouï, fut jeté le long du mur, les soldats le fusillèrent à bout portant, le caporal lui donna le coup de grâce. Le cadavre, dans une dernière convulsion, vint rouler au milieu de la cour.

J’appris plus tard, par le propriétaire de l’hôtel,