Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/93

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

me garder jusqu’au matin pour me mettre à la disposition de la mairie du quartier. C’était l’ordre.

A huit heures, je fus conduit à la mairie du 8e arrondissement, située rue de Grenelle. Le capitaine du 15e bataillon de la garde nationale devant qui je fus amené me déclara, avec la plus grande courtoisie, que j’allais être mis en liberté, une petite formalité était seule nécessaire : le concierge de la maison que j’habitais devait venir me réclamer.

J’étais perdu !

Cependant je fis à mauvaise fortune bonne mine et j’attendis de pied ferme le dénoûment de cette étrange situation.

Une demi-heure après, la porte du cachot où j’avais été enfermé avec une vingtaine d’autres prisonniers s’ouvrit ; je répondis sans hésiter à l’appel de mon nom supposé et j’allai résolument au devant d’un bonhomme à cheveux blancs que j’avais eu quelquefois l’occasion de rencontrer lorsque j’allais chez mon ami.

Peut-être, en me voyant, se rendrait-il compte du danger que je courais et consentirait-il à me reconnaître pour son locataire, s’il en avait la présence d’esprit.

C’était une chance sur mille, il est vrai ; mais dans la situation où je me trouvais, que risquais-je à la tenter ?

A peine m’eût-il vu qu’il s’écria : « Mais vous n’êtes pas monsieur X… ! » L’affaire devenait grave. Je haussai les épaules et, me tournant vers le capi-