Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La physionomie de cette enfant était charmante ; elle regardait franchement devant elle avec de grands beaux yeux noirs étonnés.

Elle avait d’admirables cheveux châtain foncé, à peine contenus sous un bonnet blanc gracieusement retenu par de petits rubans bleus. Le nez et la bouche étaient d’une rare finesse. Sur les tempes bien dégagées, des boucles mutines échappaient sous la ruche du bonnet.

Elle avait une attitude délicieuse, mélange exquis de hardiesse naïve, de pudique résolution.

Je fus frappé comme par une vision. J’avais possédé, au ministère des finances, un médaillon en plâtre représentant une tête de jeune fille coiffée crânement d’un bonnet phrygien. Ce médaillon était destiné à servir de modèle pour la tête de République qui devait être gravée sur nos monnaies.

J’avais devant moi l’original du médaillon.

Pendant dix minutes les vociférations les plus furieuses nous empêchèrent de parler. Une foule de misérables, composée d’agents de police et de soldats, nous adressait les plus obscènes plaisanteries et, avec d’immondes sarcasmes nous fiançait dans la mort prochaine.

Un gardien de la paix vint nous chercher. Nous n’étions plus en sûreté dans le lieu où nous nous trouvions.

L’enfant comparut devant Claude et le commandant des gardiens de la paix. Un homme à la mine abjecte s’avança : il déposa que la prisonnière avait