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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

pan JUUVKNAL DE MARIE LENERU

je me souviens très bien qu’il y avait un balcon-terrasse qui était en bois et pas trop solide. De ce balcon on voyait le bois où était le croquet et où on jouait aussi aux boules. Ce croquet était creusé et je m’amusais à me faire descendre de la petite falaise qui le dominait, particulièrement par Raymond. C’est dans ce même endroit que j’avais fait à maman un bouquet de fleurs d’ail, elle qui les avait en horreur. Nous jouions beau- coup à la biche, j’affectionnais comme cachette un endroit où on me défendait d’aller et où il y avait beaucoup de verre cassé ; un jour Jeanne s’était fâchée contre Raymond qui l’avait prise — elle avait très chaud — d’une façon qui n’était pas de jeu, disait-elle ; c’est peu après cette querelle qu’on annonça leur mariage. Je me rappelle très bien que le muguet était contre le mur du bois, près du croquet ; puis, d’un endroit près de la petite porte où le mur était plus bas, je m’asseyais dessus, regardant les enfants en haillons qui jouaient dans le chemin creux. Au bout d’une allée dans la- quelle était le poulailler, qui était derrière, à droite, derrière la maison, on voyait souvent des blanchisseuses. Un jour, Berthe s’était donné une entorse en tombant de cheval, et je me rappelle qu’on la promenait dans un fauteuil roulant. Dans la maison de ville où j’allais très souvent, il y avait, dans le salon, un tas de choses qui servaient à faire des tours de physique, avec lesquels M. B. amusait ses enfants lorsqu’ils étaient petits ; je me rappelle des singes habillés en soie, jouant du violon et de la guitare et faisant des tours de physique. Un jour à dîner, on m’avait donné un de ces verres doubles, dans lesquels on ne peut pas boire ; j’avais été prise, et cela m’amusa beaucoup. Une autre fois, Louis, qui était allé nous chercher une voiture, fut obligé de prendre un monocle, car Berthe lui avait volé son lorgnon :  ; je me souviens très bien de la dis- pute et j’avais aidé Berthe. Un soir, en allant au théâtre, Louis qui me donnait la main, s’amusait à faire de très grandes enjambées, en levant les pieds à la hauteur des becs de gaz et en disant que c’était très à la mode. Un soir de Noël, j’avais accompagné Jeanne faire ses emplettes aux boutiques du