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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

ANNÉE 1808.

10 janvier 1808.

NE autre année. Si Dieu la veut encore, je la lui aban- donne de toute la sincérité dont je suis capable,

Ce n’est pas pour me faire plus résignée que je ne le suis. Je ne veux pas être résignée. Je me sacrifierai peut-être un jour, je ne me résignerai jamais. Je ne peux pas rester passive, même avec la souffrance.

La vie d’une femme heureuse est manquée pour moi. Il faut m’en inventer une autre dans laquelle ces affreuses années puissent garder une place. Puisque j’ai tant marché, gardons au moins la route où nous avons de l’avance.

Lundi 7 mars 1808.

Allée à la Grande Rivière en coupé avec maman. Il faisait bleu sur rade et magnifiquement froid. Rentrée, lu, à la lu- mière dorée des stores, la Vie de Nathalie Narishkine. Pendant dix années, au séminaire de la rue du Bac, elle écrivit, dans toutes les langues, à leurs religieuses du monde entier, et quand son beau-frère, l’amiral autrichien, se mit à promener les es- cadres de son pays, il découvrit que tout autour du monde on connaissait la sœur Nathalie. Une charge de cardinal secré- taire d’État. Elle eut une amie religieuse à Vienne, elles avaient fait le sacrifice de ne jamais chercher à se revoir, quand un hasard les réunit de chaque côté de la grille ; l’une pleurait,