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ANNÉE 1898

ANNÉE 1898 ISI

dater, de voir quelque part la trace de tout cet invisible travail qui est ma vie et qui passe si enfoui, si inexprimé que j’en ai des vertiges de solitude.. |

Dieu console de tout par sa seule existence. Le blasphème + est un non-sens pour les étourdis et les sots. En lisant la vie de Pauline de Beaumont qui cessa de croire parce que la vie lui avait été trop cruelle, je me suis bien promis de ne pas me laisser prendre à ce piège ridicule,

Moi, microbe infinitésimal, et mes commodités, qu’est-ce que je prouve ? Quand on fait à Dieu la querelle de douter de lui, il faut se mettre un peu à son point de vue, et lui faire des objections d’un ordre légèrement plus général.

22 juillet.

J’ai fini la Vie de Jésus. Pas à pas, je lai chicanée. Dans quelques mois je saurai l’impression définitive. C’est toujours ainsi, j’attends mes lectures au contre-choc — mot de chirur- gien.

Je remarque une chose : X… qui pourtant ne mentait pas, disait : « Renan ! II cite un évangile, un verset, on y va voir et ça n’y est pas… » On avait dû lui affirmer cette vulgaire im- possibilité. On ne brave pas de si faciles démentis. J’ai eu l’enfantillage de vérifier.

En revanche ce fameux style ne m’a pas emballée. C’est d’une naïve perfection, et je retrouve toujours, entre lui et moi, cette chose indéfinissable qui est Ze fon. Eh bien, ce ton a l’abondance ecclésiastique, le débit facile et fleuri d’un curé beau diseur et un peu fat. Il me donne l’impression d’une voix qui parle trop vite.

Brutul, 29 juillet. Marché longtemps dans l’allée des lys. Je n’abdiquerai ja-

mais. Je voudrai toujours tout. J’ai besoin de préférer ma vie pour l’accepter. ’