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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

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152 JOURNAL DE MARIE LENÉRU

Jeudi 4 août.

Que c’est beau la lumière, et comme notre âme s’en pétrit ! C’est un réveil de pouvoir lever la tête, ouvrir les yeux dans plus de jour, les sentir baignés de plus d’espace. Je ressaisis les oiseaux dans leur vol et leur battement d’ailes m’est une nou- veauté. Les étoiles me reviennent une à une. J’ai déjà toutes les grandes constellations, mais sur leur écrin de nuit noire et depuis longtemps allumées. Je les guette blanches au crépus- cule. J’ai eu la mélancolie de les reconnaître ainsi, sur une toile, au dernier Salon.

Mais ce que j’attends, ce que j’épie, c’est le pur contour de la lune. Je la vois toujours fumante d’un nimbe aux quatre rayons en bras de moulin, comme en met G. Moreau à ses apparitions.

© choses, comme je vous regarderai !

7 août.

Dieu sait avec quelle émotion je me redemande tout entière. C’est la première fois, je crois, depuis dix ans, que je prie simplement et violemment pour guérir et pour guérir de suite pendant qu’il en est temps. Mon Dieu, foudroyez-moi de ma guérison !

Je pourrais encore dire que je ne regrette rien, que j’aime le moule où j’ai été coulée, mais pourvu qu’il me lâche ! que je sorte de sa pression de cauchemar !

J’ai dit depuis longtemps que si je ne guérissais pas, je ne pourrais plus croire, non par rancune ou par indignation, mais par impossibilité de comprendre., Ne À

Oui, je crois très fort le système religieux du catholicisme : Aut Roma, aut nihil. Mais éternellement sur la terre nous au rons l’alternative de ce nihil, et cela d’autant plus que nous serons sincères, que nous nous défierons davantage de l’illu- sion trop belle, *