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ANNÉE 1898

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C’est la vérité profonde ce que j’écrivais à Morlaix : « Je croirais plus facilement si j’y tenais moins, » On doute dans la mesure où l’on est capable de croire, ce sont les mêmes moyens ! Je me défie du prêtre qui, dans notre siècle, n’a pas su douter, La foi virginale était encore possible à Bossuet. L’incrédulité n’était qu’inférieure au xvrre siècle, Elle n’a toute sa valeur que de nos jours, mais au moins, reconnaissez la grandeur de l’objection,

Mardi 9 aoîit.

Je ne vis que d’attente, de tout l’incertain de mes espé- rances, À la lettre, je compte les heures. En regardant ma montre, en effeuillant le calendrier, c’est toujours, toujours cette pensée, que j’approche d’un avenir moins intolérable, « J’ai marché si longtemps que je dois être près. »

Oh ! à présent, je n’ai plus la vocation du martyre, plus rien de mon acceptation janséniste, Je veux passionnément guérir,

13 août.

Ce qui me ferait désespérer, c’est qu’ayant admiré la force des raisons catholiques, je me démène encore dans les résis- tances. Serait-ce que je suis encore si « merveilleusement cor- porelle » que les raisons ne me persuadent pas assez ? Male- branche me fera du bien.

Et puis, quand on est plongé dans le noir de la vie et que l’habitude est venue, il y a une difficulté à tenir compte de cette vocation au bonheur, fondement de toute religion.

Quelque chose encore dans le caractère particulier de mon infirmité, agit sur tout ce travail intérieur : l’isolement si spécial et inhumain — au sens propre — qu’est l’absence du son. Le son est de toutes les perceptions celle qui nous met le plus en contact avec la vie. Je suis maintenant persuadée qu’à ce point de vue, la lumière ne lui est pas comparable. Elle est