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développée chez moi, que je n’hésite pas à en faire ma pro- priété essentielle. De là, extrême « fastidiousness » de jugement et de goût. Je n’ai pas l’idée de me satisfaire d’une chose avant d’avoir examiné les autres possibles, avant de-connaître sa valeur relative. Je veux savoir de combien elle l’emporte. Le critérium de la valeur d’une chose et d’un être n’étant encore que l’échelle de sa supériorité. Je n’aime que ce que je préfère. Et c’est pour préférer à coup sûr, que je critique si furieuse- ment,

J’affirme que je n’ai pas d’orgueil ; je serais bien plus tran- quille si j’en avais. D’ailleurs je ne me représente pas exacte- ment en quoi consiste l’orgueil. C’est pour moi un de ces pé- chés obscurs comme il en existe quelques autres et dont je serais préservée par ignorance, De la morgue, oui, et par con- viction. C’est au point que l’absence de morgue me gêne en autrui, mais ceci est affaire d’épiderme et de tenue mondaine.

Je n’éprouve aucun besoin d’épanchement, de confidences. Quand il m’arrive de pécher à cet égard, il s’ensuit un malaise, un mécontentement, une impossibilité de se retrouver in- tacte, un éloignement immédiat pour les complices de ma ma- ladresse, Ce qui me console, c’est que je parle assez légèrement de ce qui me touche le plus, et l’on ne sait pas à quel point je me suis livrée.

Tout ce que nous disons, nous l’exagérons en nous.