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ANNÉE 1899

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Ce qui disparaît avec l’ouïe, ce n’est pas la note que j’ai conservée très juste. Un jour où l’on cherchait quelle note don- nait un certain cristal frappé, j’ai de suite dit, sans me trom- per, que ce devait être le mi. Ce qui disparaît, c’est la réso- nance, la sonorité, non le souvenir, mais l’émotion du son.

I1 me faut m’appliquer pour retrouver l’ébranlement, autre chose qu’un souvenir mat des bruits.

Il ne peut rien arriver de pire que ce qui m’est arrivé et comme cela m’est arrivé. Souffrance de luxe dont on ne meurt pas, qui n’exempte pas des autres.

Rough wind that moanest loud Grief too sad for song ;

Wild wind, when sullen cloud Knells all the night long ;

Sad storm, whose tears are vain. Bare woods, whose branches stain, Deep caves and dreary main, Waïl for the world’s wrong ! 1

Lundi 26 juin.

Mon ciel préféré : quand il est bleu avec tout un archipel de grands nuages blancs. Aspect fleurdelisé, me rappelle le passé, l’histoire, la vieille France. Mon arbre préféré, sens esthétique aussi, attraction d’instinct : le sapin, le mélèze. Il y en a de plus beaux, mais celui-ci je ne le rencontre pas sans une jouissance morale, Je le trouve intéressant sur tous les ciels. J’aime presque de la même façon les cèdres et les cyprès. En somme, pas les arbres domestiques, les arbres sauvages, les arbres de la solitude.

Je préfère les montagnes à la mer, sans hésiter. L’absence de végétaux et le trop grand jour de la mer donnent de la sécheresse intérieure, C’est une erreur de contemplation de

1. Shelley.