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chose que la distraction : sentir où cela me mène. J’ai toujours la sensation d’une personne en retard que l’heure talonne et qui, pour avoir un peu de quiétude morale, n’a que la ressource de marcher droit à son rendez-vous. Il y a des marchés que Dieu, tout Dieu qu’il est, devrait accepter. Ce n’est pas une guérison que je demanderais, mais une trêve pendant qu’il en est temps encore, que j’en pourrais faire quelque chose. Je me constituerais prisonnière sur parole et à 35 ans je reprendrais la forteresse.

Oh ! je commence à devenir bien humble. Je prends sur le bonheur les idées qu’un mourant peut avoir après une longue maladie quand il voit sa vie « dans ce lointain irrémédiable des choses qu’on regarde dans le passé ». Tout ce qui n’est pas le bonheur vrai, le bonheur intime et qu’on sent chaque jour, est insignifiant ; et le bonheur, c’est l’amour. Quel que soit l’orgueil qu’on possède, il n’y a pas à sortir de là. À quoi bon valoir son orgueil si personne ne doit vous en aimer plus ?

Séduire, être séduit demeurera pour moi la définition de la vie. C’est pour avoir voulu la séduction la plus parfaite et pour l’avoir ressentie en elle, que j’ai cru d’abord à la sainteté.

Comme Marguerite d’Angoulême, « je porte plus que mon faix de l’ennui commun à toute créature bien née ». Si je pou- vais ne plus m’ennuyer, je ne souffrirais pas, mais il n’y a aucune exagération à dire que je ne cesse pas de m’ennuyer.

Je m’ennuie à la folie, je m’ennuie éperdument ! Et c’est ce qui me donne la fièvre, ce qui me rend si stupidement labo- rieuse. Car l’ennui est une inquiétude et nullement de l’apathie.

Je ne peux même plus imaginer ce qui me distrairait.

Je ne peux plus désirer que des bonheurs tristes. Le grand bercement des voyages, voilà tout ce qui me tente. Qu’on me promène toujours comme une malade. « Les grands pays muets devant mois’étendront. » Et toujours à portée un bateau pour m’enlever au large, m’inoculer tout le bleu du ciel et de la mer.

Il est instructif d’écrire régulièrement ce qu’on pense, car aujourd’hui je ne souhaiterais plus d’amour. Que dirais-je à : un homme, que ferais-je d’un étranger ? Mais j’affirme que je