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n’ai jamais souhaité la mort ; puisque c’est d’elle que je souffre. Hors certaines douleurs physiques, je crois qu’il n’y a pas de souffrance intolérable, ou, du moins, qu’il n’y en a pas qui ne prenne trop grosse opinion d’elle-même dans l’appel au néant. Rien ne vaut la peine de mourir.

Le goût du néant ressemble trop chez nous à une vertu de nécessité. J’ose avouer que j’aimerais mieux vivre toujours de

telle sorte que ce soit.

« Il faut animer et aimer la substance silencieuse de la vie. » Cet amour-là, je l’ai de naissance et mes expériences, si raides qu’elles aient été, n’ont fait que Le rendre plus conscient. Je méprise ceux qui, à l’égard de cet optimisme ésotérique, ne sont pas du secret. Il est très naïf de vouloir fonder l’opti- misme sur quelque chose, mais très piteux de ne savoir pas le fonder sur rien.

« Es ist wahr : wir lieben das Leben, nicht weil wir an’s Leben, sondern weil wir an’s Lieben gewohnit sind. »

Vendredi 8..

Hier la baie était verte de tous Les verts, La mer verte est plus translucide que la bleue, elle est d’une plus belle eau.

Samedi 9 septembre.

Les êtres faibles sont patients. L’endurance est la force de ces gens-là comme l’entêtement est leur volonté, Les médecins ont constaté la supériorité d’endurance de la femme sur l’homme, plus intelligent du dommage causé, mieux fait pour la vie puissante. Il y a un courage plus fort que l’autre, c’est celui de la protestation. Souffrir est une déchéance, Nous nous faisons un mérite absurde « d’avoir souffert » puisque la néces- sité se charge à elle seule d’accomplir cela. Il ne faut pas souf-