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ANNÉE 1900

IT janvier IO00.

roman me fatigue bien plus vite que les choses « de lec-

ture difficile ». Les choses vraiment belles n’ont pas ce tissu lâche, ces trous, à travers lesquels on regarde son ennui : car ce qui fatigue dans une lecture n’est pas l’attention, mais le désœuvrement.

P’= toute la journée d’hier avec Leconte de Lisle, Un

3 janvier.

Il y a des jours où je tiens à mes maux, je les sens envelop- pants, distanceurs. Ils m’ont séparée de la foule, détachée de la banalité. J’assiste à la platitude normale avec un ennui de pure sympathie, sans l’affreux sursaut d’une solidarité possi- ble. Quand je vois toutes ces vies s’arranger dans le mariage, ces avenirs médiocres, prévus, bourgeois, pareils. Je trouve l’ambition, même vénale, supérieure à cette facilité, ce désin- téressement de nécessité, Avec de l’argent on’peut toujours mener une vie distinguée, généreuse, influente, ce qui est plus beau après tout, qu’une existence vulgairement heureuse.

8 janvier.

Le progrès de mes yeux me reconstitue la vie. Comme notre mémoire intellectuelle dépend de la qualité de notre atten- tion et de nos moyens d’assimilation, notre mémoiré générale, c’est-à-dire l’impression laissée par la vie, la conscience de