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ANNÉE 1900

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2 avril.

J’ai lu un article de Mirbeau : Propos galants sur les femmes. Ce sont des plaisanteries assez grossières, assez masculines contre le féminisme. —

Comment n’imaginent-ils pas ; qu’au point de vue maternel même, une femme doit avoir dans l’existence une vie, des habitudes et des aptitudes « par delà » ses enfants ? — Des en- fants distingués n’auront pas facilement une adoration enthou- siaste pour la bonne mère à qui ils serviront de prétexte d’exis- tence, qui vivra de leurs gilets de flanelleet de leurs potions, de leurs problèmes et de leurs commérages, de leurs 10 et de leurs nominations, de leurs examens et de leurs projets matrimo- niaux.

Lisez, au contraire, les lettres d’Auguste de Staël après la mort de sa mère, disant combien leur vie de famille était tom- bée, plus une conversation, plus un intérêt.

Et comment les hommes ne sentent-ils pas que l’amour doit grandir avec la femme ? On dirait qu’ils vengent, sur la femme intelligente, les sottes qu’ils ont été contraints d’aimer.

Mais la remarque que je tenais à faire est celle-ci : la plu- part de ces littérateurs qui raisonnent sur le féminisme ne sont pas des hommes du monde. Or, il n’y a que le monde où l’homme et la femme se voient de plain-pied.

Les premières littératrices furent de grandes dames et cela ne gêna nullement leurs camarades de salon qui les encoura- geaient.

Quand Catherine II voulut commander sa flotte, elle s’in- forma si on ne la trouverait pas ridicule. Ces messieurs répon- dirent que cela dépendrait de la manière dont elle s’en tirerait.

Je sens dans l’opposition masculine au féminisme quelque chose de peuple, une habitude de voir la servante, la ménagère dans la femme. Un gentleman qui a toujours vu sa mère faire brillante figure au milieu d’hommes distingués, le fils d’une pairesse in her own right, un ministre comme lord Melbourne