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Nous changeons, voilà tout, mais nous n’y gagnons rien, pas même l’expérience, ce pis aller des prétentions.

Paris-Hôtel, 18 octobre.

Ceux qui méprisent l’ambition.

Ich verachie dein Verachten. Le but de telle ambition peut être méprisé, mais l’ambition seule le dépasse, Peut-être que je ne désire rien de ce qui donne l’ambition, mais je ne pourrais pas vivre sans être ambitieuse, Je ne conçois la vie que comme une série d’échelons à gravir. Le changement est une nécessité humaine ; pourquoi pas le changement en mieux ?

Grand Dieul qu’avons-nous à faire en ce monde si nous ne sommes pas ambitieux, ambitieux du bonheur le plus difficile ? Et comme, au bout du compte, l’opulence et les grandeurs sont des voluptés qui ne se livrent qu’aux très forts dans le struggle for life, étant les plus disputées, je ne vois aucune raison de ne pas faire à ces dépouilles opimes une large part dans ses appé- tits.

Oui, il manque souvent beaucoup à ceux qui réussissent. Mais il manque toujours quelque chose à ceux qui échouent.

Nous avons trop déprécié le succès, c’est très petites gens.

Je me traite comme je ne me suis jamais traitée. Un furieux parti pris d’être contente, Je ne veux pas être misérable par habitude, par inertie. C’est un perpétuel éveil de contradic- tion : Si ! Sil II faut être contentel

— Je veux croire en moi, en mon avenir, comme un imbé- cile ! Je me défends de le juger sur le présent. Et pour celui-ci, je ne lui demande d’être qu’un degré, mais un degré que je ne détesterai pas par routine, par préjugé d’antipathie,

À la Centennale, les paysagistes : Corot, Daubigny : Ja Mare. Une rivière et ses arbres dans le brouillard de Huet, et surtout, par-dessus tout, Millet, le Laboureur remettant sa veste ! Je

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